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La sociologie du pouvoir au service du leadership

Comprendre, Appliquer, Améliorer


Découvrez comment les théories sociologiques du pouvoir de Foucault, Weber, Bourdieu et Arendt peuvent transformer vos pratiques de management. Apprenez à appliquer ces concepts pour créer un environnement de travail plus équitable et efficace.

Théories du Pouvoir et Management : Une Approche Sociologique en 3 étapes


Voilà un an que le podcast “Le Pouvoir au féminin” a commencé et que je pose la question à toutes mes invitées : “Qu’est-ce que le pouvoir ?” Mais alors, qu’est-ce que c’est vraiment ? Comment les sciences humaines peuvent-elles nous aider à le définir ? Et pourquoi en dresser les contours peut-il nous aider à améliorer nos pratiques de management ?

Dans le monde du management, les théories sociologiques du pouvoir offrent des perspectives précieuses pour comprendre et améliorer les pratiques de gestion. Elles explorent les différentes dimensions et manifestations du pouvoir dans les relations sociales et organisationnelles. En s'appuyant sur ces concepts, les managers peuvent non seulement reconnaître les dynamiques de pouvoir à l'œuvre dans leur environnement, mais aussi appliquer ces connaissances pour créer des environnements de travail plus équitables, respectueux et productifs.



1. Comprendre le Pouvoir


Le pouvoir omniprésent et relationnel

" Les personnes qui sont très attachées au pouvoir peuvent regarder les gens uniquement à travers le prisme de leurs propres intérêts. " – Fanny Martin-Born, DRH

Michel Foucault conceptualise le pouvoir comme omniprésent et relationnel, s'infiltrant dans toutes les relations sociales et se diffusant à travers des réseaux complexes. Le pouvoir n'est alors pas uniquement une question de hiérarchie ou de coercition, mais une dynamique présente dans toutes les interactions. Il s'exerce par le biais de discours et de savoirs qui façonnent nos perceptions de la réalité. 


Dans le contexte du management, cela implique que les managers doivent être conscient·es des dynamiques de pouvoir qui existent non seulement dans les structures hiérarchiques, mais aussi dans les interactions quotidiennes avec leurs employé·es. Cette prise de conscience peut aider à créer un environnement de travail plus équilibré et équitable.



Les différentes formes de domination


Max Weber, sociologue allemand, a identifié trois formes principales de domination qui expliquent comment le pouvoir est légitimé dans la société :

  1. La domination rationnelle-légale est fondée sur des règles et des procédures établies. Les individus obéissent à l'autorité parce qu'ils croient en la légitimité des lois et des règlements.

  2. La domination traditionnelle est basée sur des coutumes et des croyances enracinées. L'autorité est acceptée parce qu'elle est perçue comme faisant partie d'une tradition ininterrompue.

  3. La domination charismatique repose sur les qualités exceptionnelles d’un·e leader. Les individus suivent un·e leader charismatique en raison de leur confiance et admiration pour sa personnalité et ses capacités.



Le pouvoir à travers le capital social et culturel


Pierre Bourdieu, sociologue français, a introduit le concept de capital pour expliquer les différentes formes de pouvoir. Selon Bourdieu, le pouvoir ne se résume pas au capital économique (argent et ressources matérielles), mais inclut également le capital social (réseaux de relations) et le capital culturel (éducation, compétences et savoirs).


Dans le monde de l'entreprise, le capital social et culturel joue un rôle clé. Un·e manager doté d'un large réseau de contacts et de connaissances culturelles étendues peut influencer plus efficacement son environnement de travail. Encourager les employé·es à développer leur capital social par le réseautage et à enrichir leur capital culturel par la formation continue peut renforcer l'influence et l'efficacité de l'équipe.



Pouvoir, Autorité et Violence


Hannah Arendt, philosophe politique, a distingué le pouvoir de l'autorité et de la violence. Pour Arendt, le pouvoir repose sur la capacité d’agir de concert et la légitimité conférée par le respect et l'accord volontaire des personnes. L'autorité, quant à elle, repose sur la reconnaissance et le respect, tandis que la violence est vue comme un échec, utilisé lorsque le véritable pouvoir manque.


Comprendre ces différentes théories permet aux responsables en entreprise de mieux comprendre les dynamiques de leur organisation et donc de développer des pratiques de management plus éthiques. Dans quelle mesure ces concepts sont-ils applicables ? 



2. Appliquer (ou non) les concepts


Foucault et le contrôle organisationnel


Michel Foucault a exploré comment les institutions utilisent la surveillance et le contrôle pour réguler le comportement des individus. Dans le cadre organisationnel, cela se traduit par la mise en place de techniques de surveillance pour superviser et influencer les actions des employé·es. Par exemple, des systèmes de suivi de la performance peuvent être utilisés pour monitorer les activités quotidiennes et s'assurer du respect des politiques de l'entreprise.



Weber et les structures hiérarchiques


Max Weber a identifié trois formes de domination qui peuvent guider les styles de leadership dans les organisations :

  • Domination rationnelle-légale : Appliquée à travers des règlements et des procédures claires, elle permet de structurer les organisations de manière transparente et prévisible.

  • Domination traditionnelle : Utilisée dans des contextes où les coutumes et les traditions jouent un rôle primordial, cette forme de pouvoir aide à maintenir la stabilité et la continuité.

  • Domination charismatique : Reposant sur la personnalité et les qualités exceptionnelles d'un leader, elle est particulièrement efficace pour inspirer et motiver les équipes dans des périodes de changement ou de crise.



Bourdieu et le capital social en entreprise


Pierre Bourdieu a mis en lumière l'importance du capital social et culturel. Dans une organisation, cela signifie que le pouvoir ne réside pas uniquement dans les positions hiérarchiques, mais aussi dans les réseaux de relations et les compétences culturelles. 

"J'aimerais bien que nous passions du pouvoir sûr au pouvoir pour, du pouvoir pour l'autre, du pouvoir pour soi, du pouvoir pour du meilleur." – Valérie Ogier, dirigeante associée du CIC

Arendt et la distinction entre pouvoir et autorité


Hannah Arendt distingue le pouvoir de l'autorité et de la violence. Dans un contexte de management, il s’agit d’établir une autorité légitime basée sur le respect et la légitimité, plutôt que sur la coercition. L'application de ce concept se traduit par des pratiques de management qui favorisent la confiance et le respect mutuel, plutôt qu’imposer par la force.



3. Améliorer le Management


La dernière étape consiste à convertir les concepts théoriques en stratégies pratiques pour optimiser les pratiques de management. Voici quelques actions concrètes que les managers peuvent entreprendre :


Surveillance et contrôle (Foucault)


Éthiquement discutables, pour celles ou ceux qui souhaiteraient ou auraient la nécessité d’adopter des techniques de surveillance, il est primordial de les appliquer en toute transparence. Autrement dit, les employé·es doivent être informé·es des outils de suivi utilisés et des raisons derrière leur implémentation. Par ailleurs, la confidentialité doit être maintenue. Les données collectées doivent être protégées et utilisées uniquement pour des fins d’amélioration et de développement professionnel. Elles doivent permettre de fournir des retours constructifs et d’identifier les opportunités de formation par exemple, plutôt que de servir à la punition des salarié·es. 



Styles de leadership (Weber)


Les managers doivent adopter un style de leadership adapté au contexte. Par exemple, un style rationnel-légal est approprié pour les décisions administratives, reposant sur des règles et des procédures claires. En revanche, un style charismatique est plus efficace en période de changement, inspirant et motivant les équipes. La flexibilité est essentielle, permettant de passer d'un style à l'autre selon les besoins de l'équipe et les situations.

"Donc quitter, faire le deuil d’un pouvoir centralisé, avec des sachants et des subordonnés vers un pouvoir qui serait associé à une image de pouvoir distribuer, pouvoir partager, pouvoir influer, pouvoir d’entraîner. ” – Caroline Loisel, Dirigeante de Be Birds

Réseautage et influence (Bourdieu)


Encourager le développement du capital social et culturel est essentiel. Les managers peuvent mettre en place des programmes de mentorat, organiser des événements de réseautage et offrir des formations continues. Cela renforce les compétences culturelles et sociales des équipes, augmentant ainsi leur influence au sein de l'organisation.



Autorité et légitimité (Arendt)


Pour établir une autorité légitime, les managers doivent créer un climat de confiance et de respect. Prendre des décisions de manière transparente et expliquer les raisons derrière chaque décision renforce la légitimité. Traiter tous les employé·es avec équité et respect est essentiel pour gagner leur respect et établir une autorité authentique. Jacinda Ardern, ancienne première ministre de la Nouvelle-Zélande, est souvent citée comme un exemple de leader charismatique qui inspire et motive son équipe tout en étant légitime et respectée. Son approche empathique et transparente dans la gestion des crises a renforcé sa position de leader respectée.


Comprendre et appliquer les théories du pouvoir en sociologie peut transformer les pratiques de management. Le pouvoir ne doit pas être vu uniquement comme une force coercitive, mais comme une capacité à inspirer, à influencer positivement et à créer des possibilités pour les autres. Les managers qui intègrent ces concepts peuvent créer des environnements de travail plus équilibrés, respectueux et productifs. 


D’ailleurs, saviez-vous que le mot "pouvoir" trouve ses racines dans le latin "potere", qui signifie "être capable de". Cette étymologie révèle une dimension souvent négligée du pouvoir : au-delà de la force et de la domination, il s'agit de la capacité d'agir et d'influencer. Et si finalement, nous décidions de retourner à l’origine du mot pouvoir en enlevant cette idée de puissance, ou du moins sur autrui, pour n’en garder que l’idée de la possibilité ? 



Sources : 

  • Podcast « Le pouvoir au féminin », épisode 1, Fanny Martin-Born, DRH

  • Foucault, Michel. Surveiller et punir : Naissance de la prison. Paris : Gallimard, 1975.

  • Weber, Max. Économie et société. Paris : Plon, 1922.

  • Bourdieu, Pierre, et Jean-Claude Passeron. Les Héritiers : Les étudiants et la culture. Paris : Minuit, 1964.

  • Arendt, Hannah. La Crise de la culture. Paris : Gallimard, 1961.

  • Arendt, Hannah. Condition de l'homme moderne. Paris : Calmann-Lévy, 1958.

  • Podcast « Le pouvoir au féminin », épisode 2, Valérie Ogier, dirigeante associée du CIC

  • Podcast « Le pouvoir au féminin », épisode 7, Caroline Loisel, Dirigeante de Be Birds



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