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Le pouvoir comme la liberté d'incarner et transmettre ses valeurs

Dernière mise à jour : il y a 8 heures


Pour ce nouvel épisode du Pouvoir au féminin, je reçois Anne Cudkowicz. Après un premier poste en management marketing et commercial chez Expectra, Anne a intégré depuis maintenant 12 ans les équipes du Groupe Arthur Hunt, comme consultante senior d’abord, puis directrice générale et partner sur le management de transition depuis 2017.


Dans nos précédents échanges, Anne m’avait interpellé par sa position sur le militantisme en entreprise et sur les dangers du marketing lié au féminisme. Ensemble, nous parlons de ce que l’on peut dire ou non en entreprise. Nous évoquons aussi la sororité, le pouvoir de prendre sa place, l’importance des valeurs en recrutement et en management, ainsi que l’équilibre entre une compétition saine et l’esprit collectif.



Nous évoquons aussi la  sororité, le pouvoir de prendre sa place, l’importance des valeurs en recrutement et en management, ainsi que l’équilibre entre une compétition saine et l’esprit collectif.


Le pouvoir de prendre la parole en entreprise


Lorsque l’on démarre sa vie professionnelle en tant que femme, on est souvent paralysée dans sa prise de parole. Paralysée par le syndrôme de l’imposteur d’abord, et la conscience que l’on a de manquer d’expérience, et donc de légitimité. Mais aussi paralysée par les petites remarques, souvent anodines et partagées au second degré, qui se transforment en petite musique dans notre tête.

“Je me suis longtemps dit que je n’avais pas le droit de prendre la parole. Non pas qu'on ne me la donnait pas. Mais en tout cas, on m'a peut-être fait comprendre à divers reprises qu'il valait mieux que je me taise ou que ma parole ne serait pas légitime pour tel ou tel sujet.

Se sentir légitime à s’exprimer demande souvent du temps. On apprend à prendre la parole en gagnant en confiance en soi, grâce à l’expérience que l’on acquiert mais aussi grâce à nos performances professionnelles.


Anne s’est également sentie plus légitime parce qu’elle travaillait en binôme. Cette sororité avec sa co-directrice lui a permis de se sentir plus libre de parler et lui a fait comprendre que l’important n’était pas tant de dire les choses, mais cette nouvelle posture de légitimité.


Lorsque l’on évolue au sein de sa hiérarchie, il devient aussi plus facile de prendre la parole. On intègre de nouvelles instances de pouvoir, comme le CoDir, faisant évoluer la manière dont on est perçue au sein de l’entreprise. Mais c’est aussi notre vision du pouvoir qui est amené à changer lorsque l’on arrive dans ces instances de gouvernance. On dédramatise l’importance qu’elles revêtent et on comprend que rien n’est hors de notre portée.



Le pouvoir n’est pas une fin en soi


La légitimité au travail, celle de prendre la parole et de développer des ambitions prend du temps. Elle demande de prouver sa réussite et ses performances avant de pouvoir prétendre à une forme de pouvoir. Pour autant, et malgré le fait qu’elle a objectivement gravi ces échelons, Anne ne se considère pas comme une femme de pouvoir.

“Le pouvoir, ça ne m'intéresse pas spécifiquement. Moi, ce qui m'intéresse, c'est de faire grandir une activité, de lui donner de la légitimité, de la visibilité. Je n'ai pas de sentiments pour moi, je n'ai pas besoin de pouvoir. J’ai besoin de faire quelque chose qui m'anime, qui me plaise, qui ait du sens, qui incarne des valeurs. Après le reste, ça m'est un peu égal."

Le pouvoir, au-delà du rôle d’influence qu’on lui prête souvent, peut donc être tout simplement notre capacité à partir d’un point A et arriver à un point B (seule, mais surtout avec ses équipes). Le pouvoir de transformer une activité embryonnaire au sein de son entreprise en un pôle qui représente 40 % des ses activités et agit comme un véritable levier de notoriété.


Le pouvoir peut aussi être de s’octroyer la liberté de ne plus répondre à des supérieurs. Avec l’expérience et la légitimité, on est en effet plus à même de questionner la valeur ajoutée que ces derniers nous apportent. Et donc à challenger sa légitimité à un poste de direction.

“Quand vous apportez la preuve que votre n+1 n’est pas légitime, qu’elle ne vous apporte pas de valeur ajoutée, vous vous autorisez beaucoup plus à agir. Avant, on n’était pas prêtes à ce qu’on nous donne les clés. Avec le temps, notre posture a changé et le verrou s'est levé”.

Cette réalisation de son propre pouvoir montre l’importance à accompagner les femmes non pas dans leur prise de poste, mais dans cette prise de conscience. Les accompagner non pas sur le fond, mais sur la forme (la communication et la compréhension des enjeux de pouvoir en entreprise), peut accélérer les choses et déclencher ce sentiment de légitimité plus rapidement.



L’importance des valeurs dans le recrutement et le management des équipes


En tant que manager ou directrice, on peut donc mettre le curseur sur son propre pouvoir, ou choisir de valoriser celui de ses valeurs. C’est particulièrement vrai pour le recrutement et la constitution d’une équipe, qui n’est pas seulement la somme d’individualités, mais une force de frappe collective, construite sur la durée autour de valeurs communes.

“J'attache beaucoup d'importance à recruter des gens qui partagent des valeurs de respect, d'écoute mutuelle. Je cherche bien sûr des personnalités propres, parce qu'on est dans une équipe avec des personnalités extrêmement différentes. Mais le plus important c’est qu’elles aient plaisir à travailler ensemble.”

Cet élan collectif permet de faire émerger de nouvelles idées. Elle donne de la confiance à ses collaborateurs et les pousse à sortir des sentiers battus. C’est aussi un bon moyen de s'assurer qu’ils n’atteignent pas leur seuil de Peters. Chacun peut échanger et apprendre de l’autre là où un fonctionnement plus individualiste peut bloquer les talents dans leur propre évolution professionnelle.


Cette émulation collective et la compétition saine qu’elle permet d’instaurer au sein de ses équipes pose aussi la question de la récompense. Qu’est-ce qui est le fruit d’un effort collectif et où commence la réussite individuelle ?

“Évidemment qu'on a une réussite individuelle, c'est à dire qu'un développement commercial propre est une réussite individuelle avec des objectifs clairs à atteindre. Néanmoins, c'est cet esprit collectif qui permet à chacun une réussite individuelle.”

Incarner ses valeurs


Mais si recruter sur la base de valeurs est important, il faut aussi les incarner soi-même et veiller à les respecter dans son propre management. En tant que directrice ou manager, cela implique d’aider ses collaborateurs à prendre du temps pour eux quand ils en ont besoin, de ne pas toujours être dans l'accélération mais de leur ménager des parenthèses pour qu’ils reviennent plus performants.


Dans le monde de l’entreprise actuel, prendre le temps devient une exigence cruciale pour les managers qui ne veulent plus opposer vie professionnelle et vie personnelle. Ce combat qui a surtout été porté par des femmes dirigeantes, à qui l’on demandait souvent de prouver encore plus que, malgré leur vie de famille, elle était disponible, s’étend aujourd’hui à tous.

“Pour nous, ça a toujours été important, quand on recrute et qu'on recrute soit des jeunes mamans, soit des jeunes papas. C'est quelque chose qui est assez clair et qu'on dit spontanément : ok on est dans la performance, mais vous avez aussi une vie perso.“

D’autant plus que c’est précisément cet équilibre, et la manière dont notre vie personnelle et notre vie de famille peuvent nous nourrir qui nous permet d’être plus performante.


L’incarnation de ses valeurs fortes pose aussi la question de la croissance. Faire grandir ses équipes, c’est aussi le risque de diluer ses valeurs. Pour le mitiger au maximum, la clé peut être d’envisager une croissance mesurée, qui se fasse progressivement afin qu’elle soit plus facilement absorbée par le groupe.



Quelle place pour le militantisme en entreprise ?


Incarner des valeurs fortes au sein de son entreprise peut aussi être une clé pour porter un élan collectif sans tomber dans le washing ou le militantisme de façade. En effet, lorsque l’entreprise n’est pas alignée sur ses valeurs en interne, le fait de les afficher en externe s’apparente plus à du marketing qu’à un réel activisme.

“Il faut que l'entreprise porte certaines valeurs, porte la parole sur certains sujets de manière assez importante pour pouvoir recruter des nouveaux collaborateurs. Je trouve ça très bien. Ça fait avancer les droits de chacun. Après, je pense qu'il faut juste faire attention à ce que ça ne devienne pas que du marketing."

Pour Anne, les enjeux autour du genre, dans le recrutement par exemple, sont réels. Mais plutôt que de mettre en avant son militantisme sur la question, elle prône l'action en interne (via un objectif de parité dans les comités de direction notamment). Cet objectif sera atteint non pas parce que l’entreprise est militante sur le sujet, mais parce que ses dirigeants se sentent concernés et sont intimement convaincus que la parité se traduit par de meilleures performances.



Conseils pour les directrices de demain


Pour Anne, notre rapport au pouvoir en tant que femme a beaucoup évolué chez les nouvelles générations. Pour elles, ce n’est pas un sujet, leur légitimité est fermement ancrée dans la conscience qu’elles ont d’elles-mêmes et dans leur manière d’évoluer en entreprise.


Cela prouve bien l’importance de l’éducation et d’incarner des valeurs au quotidien. Le changement de notre société et du monde de l’entreprise passera par la réussite féminine et par la force avec laquelle nos valeurs infuseront naturellement dans les organisations desquelles nous faisons partie.








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