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Oser être une femme et suivre ses intuitions

Dernière mise à jour : il y a 15 heures

avec Dominque Maire, ex- Directrice Communication Air Liquide


Comprendre le pouvoir au féminin tel qu’il s’exprime aujourd’hui implique aussi de regarder en arrière. De s’intéresser aux trajectoires des femmes pionnières qui nous ont ouvert les portes. Dans l’épisode de ce podcast fémininste, j’échange avec l’une d’entre elles.


Dominique Maire est aujourd’hui retraitée, mais elle reste active comme conseillère municipale auprès de la mairie de Val d’Isère. Pour son dernier poste, elle était directrice communication de Air Liquide et fut la première femme à entrer au Comex où elle est restée huit ans. Dominique a également été directrice communication chez Suez dans les années 90, sans être au comité de direction. 


Avec Dominique, nous nous sommes croisées à la projection débat du film Numéro une de Tony Marshall dans lequel elle participait comme membre d'un réseau féminin. C'est un honneur de la recevoir et de pouvoir entendre son point de vue sur le pouvoir au féminin et les avancées qu’elle observe entre sa génération et la suivante. 


Ensemble, nous parlons des évolutions qu'elle a pu observer sur la place des femmes en entreprise. Nous évoquons la possibilité grandissante d'affirmer les qualités qui nous sont propres. Mais aussi de ne plus avoir à dissimuler les contraintes que l’on peut rencontrer ni de les laisser nous empêcher d’évoluer à des postes de direction. 



Une femmes qui suit ses intuitionsDominique Maire nous parle de son expérience du leadership féminin et comment elle a appris à valoriser les qualités féminines et ses intuitions au travail.


Se sentir à sa place à un poste de pouvoir


Lorsqu’elle est nommée au Comex d’Air Liquide, quelques mois seulement après son arrivée dans l'entreprise, c’est une grande surprise pour Dominique. Elle qui n’est pas ingénieure de formation, elle doute de sa légitimité, mais surfe aussi une “douce vague d'euphorie”, portée par les compliments qui lui sont faits suite à sa gestion d’une crise particulièrement dure pour l’organisation. 


Ce sont ces épreuves du feu qui peuvent nous donner la légitimité de prendre notre place, mais aussi de nous sentir à notre place. Mais intégrer un environnement majoritairement masculin reste complexe pour beaucoup de femmes, qui doivent se confronter à des remarques machistes, voire à une forme de condescendance. 

“Certains de mes collègues pouvaient être très très gentils, mais un peu condescendants. La gentillesse c’est quelquefois quand on vous tient la porte. C'est sympa, mais c'est aussi pour vous montrer que vous n'êtes pas capable de la tenir.”


Faire oublier que l’on est une femme et une mère 


Lorsque l’on arrive à des postes de direction, ou même tout simplement que l’on intègre le monde de l’entreprise, il faut aussi effacer ses spécificités de femme, et en particulier son rôle de mère. Pour s’imposer, il faut donc faire oublier les contraintes qui nous incombent, notamment pour le soin des enfants, et se montrer aussi disponibles que le serait un homme. 


Aujourd’hui, les femmes peuvent compter sur les technologies (le portable pour rester joignable, le télétravail pour garder les enfants) pour combiner plus facilement leurs obligations de mères et de femmes actives. 


Paradoxalement, le couple peut se mettre en travers de ce besoin des femmes à jongler entre leur carrière et leur vie de famille. Célibataires, elles n’ont plus besoin de négocier et peuvent prendre leurs décisions seules. Ramener le travail à la maison n’est plus un sujet de conflit, et il devient donc plus facile de s’organiser comme on le souhaite. 



La gestion du temps : un enjeu féministe


Cette revendication de pouvoir prendre des pauses, mieux équilibrer vie pro et personnelle, est un enjeu central du féminisme. Et une avancée que Dominique observe chez les nouvelles générations. En plus des avancées technologiques, la loi facilite désormais le télétravail, permettant aux femmes de rester à la maison auprès des enfants le mercredi par exemple. Avant cela, les entreprises qui acceptaient ses aménagements du temps de travail prenaient des risques, notamment pour des raisons d’assurance. 


De là à dire que les femmes peuvent s’épanouir au travail de la même manière que le feraient les hommes ? Pas tout à fait, la gestion de l’espace pose elle aussi des dilemmes aux couples, et en particuliers aux femmes. L’expatriation peut représenter un blocage à leur évolution de carrière (en particulier dans un grand groupe international comme Air Liquide). C’est à l’entreprise d'œuvrer pour réduire autant que possible cet obstacle, en accompagnant les conjoints à retrouver un poste ou à télétravailler. 


Mais là encore, la gestion du temps (et en particulier dans le couple) reste compliquée, puisqu’elle incombe encore majoritairement aux femmes. 


“Ce qui est vrai, c'est que très souvent, les femmes qui deviennent cadres supérieurs s'aperçoivent que la gestion du quotidien devient compliquée. Très souvent, d'elle-même, elle s'efface. C'est une erreur, mais elles le font. Il n'y a même pas besoin de leur demander parce qu'elles se disent : à quoi bon? C'est une vie infernale. On n'arrive plus à se voir, on n'arrive plus à se parler. “

On parle en effet beaucoup de la charge mentale, mais il faut aussi prendre en compte la charge émotionnelle. C’est encore à la femme d’organiser la vie sociale du couple, de prévoir des moments à deux pour maintenir la flamme. Une charge dont il faut se méfier car elle peut isoler les femmes du marché du travail, les rendre dépendantes financièrement, et donc plus vulnérables


“Ma mère m’a toujours dit de faire attention à mon indépendance financière. Donc je travaillais beaucoup mais j'aimais aussi beaucoup ce que je faisais. C'était comme les gens qui font des mots croisés quoi. J'avais envie de résoudre ces équations. Et quand je trouvais la solution, c’était un grand kiff”. 


Revendiquer un leadership féminin plus élastique


Amenée à animer des conférences sur le sujet de l’égalité femmes hommes au travail, Dominique s’est toujours opposée au fait de considérer la féminité comme un handicap dans le monde professionnel. Bien au contraire. C’est parce que l’on doit jongler avec beaucoup de choses et se forcer à prendre du recul une fois passé le pas de la porte que nous avons bien souvent une plus grande élasticité. 


Pendant longtemps, ces spécificités majoritairement féminines ont été tues par les femmes actives, obligées de se “comporter comme des hommes” pour se faire accepter en entreprise. Mais progressivement, elles sont reconnues comme des qualités et valorisées comme des moteurs d’innovation ou des compétences managériales plus efficaces.


“J'ai découvert dans le monde du travail que je devais maîtriser, voire faire taire mes émotions et mes intuitions, mes émotions. Parce qu'aussitôt, on a vite fait de dire ; mais elle est beaucoup trop émotive cette femme, etc. Donc vous êtes obligés de vous endurcir. Aujourd’hui, je crois beaucoup à la vertu de l'intuition. Elle ne naît pas de rien. Elle naît de la convergence d'informations qui d'un seul coup se croisent et qui vous font réaliser qu'il va se passer quelque chose. “

Plutôt que d’effacer ce qui fait notre spécificité (et ce qui peut donc nous démarquer en entreprise), nous avons tout à gagner à affirmer ces qualités que les hommes ont souvent été contraints (de par l’éducation) à détruire. Plus largement, Dominique nous encourage à utiliser, sans vergogne, les leviers qui sont mis à notre disposition en tant que femme. 


“Quand on a la chance d'avoir les moyens de percer quelque chose, on ne va pas laisser l'objet qui va vous permettre de percer par terre. C'est comme avoir une perceuse, vous savez, c'est le plafond de verre, il faut s'en servir. Il ne faut pas négliger les atouts qu'on peut nous donner [...] En plus, on ne choisit pas une femme parce que c'est une femme, on l'a choisie parce qu'elle est bonne et on la pousse grâce aux quotas. Mais on ne va pas mettre en place une femme dont on sait qu'elle ne va pas correspondre au poste. Quand on dit dirigeant, on n'est pas fou.”


Oser affirmer et défendre sa place en tant que femme


Aux nouvelles générations de femmes actives et dirigeantes, Dominique conseille donc d’oser exprimer ce qui fait leur spécificité. Oser exprimer leurs émotions et surtout croire en leurs intuitions, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Exprimer sa sensibilité peut en effet être libérateur, mais aussi un acte militant pour encourager la libération des hommes (qui eux aussi souffrent de se taire).


Pour continuer d’avancer dans la bonne direction, et éviter les retours en arrière (ou backlash, qui guettent bien souvent les avancées progressistes), il faut aussi revendiquer son féminisme et continuer de se battre pour ses droits. 


“Les femmes ont dû se battre pour obtenir tous les droits. Il faut les préserver parce qu'il y a plein de pays où ça n'existe pas, ne pas oublier qu'il y a plein de femmes qui n'ont pas cette chance. En France, on a la chance aujourd'hui d'être quelque part sur la bonne route. Mais il faut accélérer.”





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