top of page

Commencer par l’équité pour aller vers l’égalité

Que ce soit grâce aux lois sur la parité ou à l’évolution des mentalités, les choses évoluent dans le monde du travail. Mais elles évoluent lentement, ce qui peut être frusatrant pour les concernées et d’autant plus inquiétant lorsque l’on a des filles qui s’apprêtent à entrer elles aussi dans la vie active. 


Pour gérer cette transition vers une égalité que l’on espère parfaite, il faut de la patience, le pouvoir d’embarquer ses équipes (aussi bien les femmes que les hommes, sans qui les choses ne peuvent pas changer) et beaucoup de courage. 


C’est le mantra de Delphine Henry. Ingénieure de formation, elle a démarré sa carrière chez ST Microélectronique pour ensuite évoluer au sein de Naval Group avant d'entrer chez Engie dont elle est aujourd'hui DGA à la filiale Home Service depuis 2020, au Board depuis 2022 en Roumanie et présidente de My Power depuis 2023. 


La question de la place des femmes est un sujet auquel elle a été sensibilisée très tôt, de par sa formation d'ingénieur d'abord, puis par le fait d'avoir deux filles, mais surtout parce qu’elle a été témoin plusieurs fois d'injustices et qu’elle souhaite que cela change. 


Après avoir été au sein de réseaux de femmes dans les entreprises, Delphine favorise aujourd'hui des réseaux mixtes tels que Woman for CEO et intervient dans les lycées pour faire bouger les choses au plus tôt. Dans cet épisode, elle nous livre sa vision du pouvoir (qu’elle préfère nommer leadership) construit sur l’écoute, l’empathie et la résilience. 


Le parcours de Delphine Henry et ses conseils pour avancer vers plus d’égalité au travail en s’appuyant sur l’équité (dont les quotas), le courage et en militant en mixité. 

Faire face au sexisme paternaliste en entreprise


Delphine arrive à un poste de direction lorsqu’elle rejoint son premier CODIR en 2012. Son poste, l’équivalent du DAF, se voit rattacher une mission de communication, pour la simple et unique raison qu’elle est une femme. Une décision clairement sexiste, puisque les deux rôles n’ont à priori aucun lien. 


Si sa prise de poste se passe très bien, elle lui fait prendre conscience du sexisme paternalisme ambiant dans l'entreprise, quelque chose sur lequel elle n’avait encore pas mis de mots. Un paternalisme qui se manifeste particulièrement au moment du recrutement, les membres du CODIR ayant tendance à se poser des questions à la place des femmes et à leur bloquer des opportunités pour “les protéger” (en cas de mutation à l’étranger si elles sont mariées ou si le poste prévoit des astreintes et qu'elles ont des enfants). De la même manière, on aura tendance à juger qu’une femme n’a pas besoin d’une augmentation si son mari gagne déjà un bon salaire, etc. 


De manière générale, et même si les remarques ou comportements sexistes en entreprise ne sont aujourd’hui plus perçus comme “la norme” (voire jugés honteux dans les milieux les plus progressistes), la situation n’a pas beaucoup changé. 


“Alors les choses ont évolué, mais pas toutes. Je dirais même qu'il y a quelques travers maintenant. C'est à dire que les hommes de mon COMEX par exemple font parfois des blagues entre eux. Moi j'aime bien rire de tout et parfois ils n'osent pas répéter leur blague parce qu'ils savent que maintenant on peut plus le dire. Donc qui rigole entre eux mais ils ne le font pas partager. Finalement, ça c'est un recul.”

Malgré les avancées, on voit donc des formes de résistances du boy’s club. Ce qui nous montre qu’il y a encore beaucoup de chemin à parcourir pour que les hommes challengent ces comportements sexistes et s’en indignent au même titre que les femmes.



Salaires : fermer l’écart pour trouve un équilibre entre contribution et rétribution


L’un des reliquats les plus incontestables des inégalités de genre au travail est certainement l’écart salarial. Un reliquat dont il est d’autant plus difficile de se défaire que l’on manque de transparence sur les rémunérations en entreprise (ce que veut d’ailleurs faire changer la future loi Européenne, inspirée de la législation espagnole). Mais aussi parce que l’argent reste un sujet tabou en France, dont on ose peu parler et qui participe à maintenir de nombreuses femmes dans l’ignorance même des inégalités dont elles sont les victimes. 


“Alors moi j'en ai pris conscience assez tardivement. J'ai changé assez régulièrement de job et d'entreprise, donc j'ai eu des opportunités d'être augmenté et je m'estimais être une privilégiée. Donc je me suis rarement intéressée de près à ma rémunération. Et en arrivant à ce poste dans mon COMEX, j'ai eu accès bien sûr à l'ensemble des rémunérations de mon entité. Et donc quand en arrivant dans cette entreprise, je me suis rendu compte qu'en tant que numéro deux, j'étais la 10ᵉ rémunération de l'entreprise. Et effectivement, j'ai pris conscience de l'écart qu'il pouvait y avoir. Je le dis aussi parce qu' avant on me disait “t'as le temps etc.” Et maintenant  j'approche de 50 ans et je me demande, quand est-ce que c’est mon tour ?”

C’est grâce à un coaching que Delphine a réussi à se “déniaiser” sur le sujet. Désormais, elle demande le salaire de tous ses interlocuteurs. Ce qui lui permet de mieux se positionner et d'évaluer sa propre valeur (perçue par son employeur actuel et donc projetée à ses futurs employeurs). Un exemple qui montre bien l’importance de l’accompagnement et du réseau pour faire évoluer la cause des femmes en entreprise. 



Réseaux de femmes, role model et middle management


Lorsqu’elle débute sa carrière et commence à militer pour plus de parité en entreprise, Delphine le fait en rejoignant des réseaux de femmes. Ces collectifs ont joué un rôle très important pour faire comprendre aux femmes que les blocages qu’elles pouvaient rencontrer au travail n’étaient pas de leur fait mais la résultante d’un système patriarcal. Progressivement, les réseaux féminins se sont aussi démocratisés pour ne plus s’adresser qu’aux directrices, mais aussi aux assistantes et au middle management. 


Une avancée cruciale pour Delphine, car ce sont précisément ces types de poste qui peuvent parler à une grande majorité de femmes. En particulier chez les jeunes générations qui valorisent de plus en plus l’équilibre entre vie personnelle et professionnelle


“Avoir trois femmes au CAC 40 c'est super, mais je ne suis pas sûre que ce soit ça qui donne envie aux jeunes filles d'oser exprimer leur ambition, d'oser y aller. On sait que ça s'adresse à une élite qui a fait une très grande école et qu’il n'y aura que quelques happy few. Le sujet c'est de dire aux femmes, à toutes les femmes qui ont envie, mais qui hésitent qu’il y a plein de rôles intermédiaires, ce qu'on appelle le middle management, où c'est possible d'avoir des job épanouissant, une vie personnelle et professionnelle équilibrée et de gérer et d'avoir quelque part d'avoir tout à la fois.”


Sensibiliser au lycée pour impulser le changement au plus tôt 


De la même manière qu’elle a évolué progressivement des réseaux de femmes aux réseaux mixtes pour intégrer les hommes dans cette dynamique de changement, Delphine a aussi commencé à intervenir en lycée non plus dans des classes de filles mais dans des classes mixtes. 


“Je préfère que les classes soient mixtes parce que je pense que c'est vraiment ensemble qu'on y arrivera. Les femmes doivent prendre conscience de leur biais et doivent s'indigner quand elles voient des injustices. Mais les hommes, les garçons doivent aussi les voir et comprendre en quoi ils y contribuent.”

Elle participe également via ces interventions à diffuser de nouveaux modèles, en montrant notamment aux jeunes filles que des postes traditionnellement perçus comme masculins (notamment dans l’ingénierie) peuvent être intéressants, versatiles et épanouissants. Le travail se fait aussi auprès des parents, car les biais ne sont pas uniquement des biais de genre, mais aussi bien souvent des biais de classe. 


L’égalité se joue de plus en dehors de l’école, notamment sur la question de la confiance en soi. Le stress véhiculé par les parents (sur les lacunes des jeunes filles en mathématiques, par exemple), peut aussi participer à tétaniser les enfants et les dévier de leur trajectoire. 



Le courage d’avancer vers la mixité 


Avancer vers plus de mixité demande de se battre sur tous les fronts. Cela implique d’avoir plus de role model en entreprise : des femmes inspirantes desquelles s’inspirer. Nous avons aussi besoin de plus de sororité (ne serait-ce que pour faire contrepoids au boy’s club) grâce à laquelle nous pourrons nous faire la courte échelle pour évoluer plus rapidement (ou éviter les postes “pièges” qui nous placent face à des falaises de verre). 


Mais cela demande aussi beaucoup de courage : celui de prendre des décisions fortes et d’imposer de nouveaux codes de management, auxquels les équipes (en particulier lorsqu’elles sont majoritairement masculines) ne sont pas habituées. Pour Delphine, cela s’est joué par exemple sur le management des émotions


“Il faut avoir le courage de dire les choses quand ça va et quand ça ne va pas. Avec un de mes collaborateurs, j'ai le courage de lui dire et de ne pas forcément attendre. Et finalement, c'est du courage parce que la facilité, c'est de ne rien dire et de continuer et de se dire voilà, je verrai plus tard. Et finalement, ça libère la parole de dire les choses au fur et à mesure.”

Le courage est également une valeur que l’on transmet et que l’on peut aider ses équipes à s’approprier (en les accompagnant dans leur prise de décision, en les aidant à mieux exprimer leurs émotions ou réagir à celles des autres). Etre courageux, c’est aussi parfois savoir tirer sa révérence : accepter des missions compliquées tout en demandant à pouvoir évoluer ensuite parce qu’on le mérite, et parce que l’on ne veut pas avoir à gérer les rancœurs provoquées par ces changements difficiles. 



Accepter l’équité pour atteindre l’égalité


Pour finir nos échanges, Delphine nous appelle à faire preuve de patience et à accepter cette phase transitoire d’équité (que ce soit avec les quotas ou des politiques RH volontaristes) pour atteindre l’égalité. 


Nous avons tous des besoins spécifiques et il est donc indispensable de traiter les personnes de façon juste pour qu’elles puissent accéder aux mêmes opportunités. C’est aussi en travaillant main dans la main pour qu’hommes et femmes se défassent de leurs biais sexistes que l’on pourra briser le plafond de verre. 


Liberté, équité, sororité.  




13 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

コメント

5つ星のうち0と評価されています。
まだ評価がありません

評価を追加
bottom of page