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Ouvrir la voie et porter sa voix

Dernière mise à jour : 20 juin

Avec Valérie Ogier, Dirigeant associée du Centre Internationale du Coach


Lorsque le chemin que l’on nous invite à suivre ne nous convient pas, qu’il ne nous rend ni heureuse ni ne s’aligne avec nos valeurs, faut-il se forcer à l’emprunter ou tracer sa propre route ? 


C’est la seconde solution qu’a choisi Valérie Ogier. Présidente du Syndicat français du coaching, elle a également cofondé le premier observatoire des pratiques professionnelles du métier du coaching et la première bourse à l'innovation. Valérie fait de plus partie des quinze maîtres coachs en France et a coécrit L'art et la pratique du coaching professionnel avec douze autres femmes et deux hommes. 


Avec un tel parcours (et de tels titres), j’avais très envie de connaitre sa vision de ce que c’est d’être une femme dans les sphères de pouvoir. Dans cet épisode, elle m’a partagé sa vision d’un pouvoir pour, tendant vers un but et non pas d’un pouvoir sur, qui chercherait uniquement à dominer. 



Valérie Ogier nous partage sa vision du pouvoir au féminin et comment tracer sa voie pour maintenir son intégrité et ses valeurs. 


Les barricades sur lesquelles nous devons monter


Si Valérie a accepté de participer au podcast, c’est en partie pour partager son parcours, mais aussi pour questionner cette ambiguïté autour du pouvoir féminin, qui consiste bien souvent à monter sur des barricades et à croiser les fers (si l’on ne veut pas finir au bûcher). 


Pour beaucoup de femmes, prendre le pouvoir est en effet bien souvent un combat. Il nous faut revendiquer et prendre notre place, en prenant le risque de nous voir critiquer pour notre mauvais caractère (lorsque l’on parlerait plutôt de tempérament pour nos collègues masculins). 


Même si cela l’a forcé à sortir des sentiers battus, Valérie a toujours refusé le sexisme ordinaire. Même si on a pu critiquer son manque d’humour ou de dérision, elle a décidé de ne jamais rien laisser passer, d’une part pour préserver son intégrité, mais aussi sa santé mentale.   


“Je me souviens d'une anecdote où déjeuner avec un décolleté. La vie est ainsi faite que je me retrouve en face de quelqu'un qui a un regard un peu plongeant dans mon décolleté. Quand il croise mon regard, je lui demande comment va sa femme. C’est un exemple de recadrage…”


Tracer sa route, quoi qu’il en coûte


Ce refus de plier ou de laisser passer des comportements sexistes est aussi fondateur dans une carrière professionnelle. Plutôt que d'accepter de suivre un chemin qui ne nous convient pas, il nous encourage à tracer notre propre route. 


Pour Valérie, cela partait aussi d’un refus de se transformer en Don Quichotte et de se battre contre des moulins. Face à un environnement de travail qui n’est pas aligné avec nos valeurs (par exemple parce qu’il ne récompense pas les compétences et favorise les hommes), elle préfère construire son chemin. 


“J'ai cofondé un certain nombre de structures, je suis dirigeante associée aujourd'hui d'une autre. Mais voilà, c'est cette idée de moi de tracer sa propre route sur la route qui nous est proposée ne nous convient pas”. 


Tracer sa propre route impose aussi d’ouvrir la voie, ce qu’a fait Valérie en créant sa propre structure. Mais cela demande aussi de porter sa voix, même si cela peut parfois nous coûter cher, notamment en termes d’énergie.  Mais c’est bien souvent le prix à payer pour maintenir son intégrité et rester fidèle à la vision que l’on se fait du pouvoir. 


“C'est toujours pour moi une question d'espace, de liberté. Je trouve qu'il n'y a pas pire que de se censurer soi-même. C'est donner caution aux autres. Ça reste pour moi important de porter cette voix là,  la mienne. C'est vraiment une question d'intégrité.”


Respecter les règles du jeu pour faire entendre sa voix


Pour autant, on est souvent bien obligé de reconnaître et d’accepter les règles du jeu. C’est une condition sine qua none, dans de nombreux cas, pour se faire entendre et être crédible. Même si l’on ne doit pas compromettre son message ou faire des concessions qui remettent en cause notre intégrité, on peut porter sa voix différemment, jouer avec le volume, la tonalité, les nuances. 


“Si je décide de jouer cette partie-là, il y a des règles du jeu. Et les règles du jeu, c'est que lorsqu’un  homme parle fort, c'est un homme qui a du caractère et du tempérament, c'est normal, c'est un guerrier, tout va bien. Une femme qui parle fort, pour avoir travaillé dans d'autres univers, c'est quelqu'un qui n'est pas loin d'être dans l'hystérie.”. 

Mais ce qui peut être contraignant est aussi une force. En cherchant à être plus audible, on aura par exemple tendance à parler plus doucement, ce qui contraint notre interlocuteur a nous écouter plus attentivement. On est aussi plus précise et économe dans le choix de nos mots, ce qui maximise aussi leur impact. 



Les plafonds de verre que l’on subit et ceux que l’on se crée


Pour trouver le juste milieu entre tempérer son discours pour qu’il soit plus audible et tomber dans l’auto-censure, il faut se poser les bonnes questions. Ce questionnement nous aide à faire la différence entre les plafonds de verre que l’on subit et ceux que l’on se crée. 


“L’'antidote que j'ai trouvé, c'est de me demander" Qu'est ce qui fait que je ne peux pas faire ça ? Qu'est ce qui m'en empêche ?” Je me pose systématiquement cette question. Et selon la nature de la réponse, effectivement et en toute honnêteté avec moi-même, je vois là où je suis en train de me censurer. Et est ce que j'ai vraiment envie d'y aller ou pas ? Je passe à la moulinette d’une deuxième série de questions. C'est principalement comme ça que je vérifie dans mon propre cadre de référence, ce qui relève chez moi d'un plafond de verre. “

Cela ne veut pas autant dire que l’on risque de nier les plafonds de verre qui nous sont bien imposés. Mais on peut s’y attaquer plus efficacement, car on se défait différemment des systèmes d'oppression qui viennent de l’extérieur. Par exemple, dans le cadre des startups, un plafond de verre bien concret est le manque de financement accordé aux projets menés par des femmes. Seuls 8 % réalisent des levées de fonds. Idem pour l’exigence supplémentaire de porter des projets à impacts ou à mission, qui incombe encore très majoritairement aux fondatrices. 


“Notre sexe est tellement faible qu'on lui en demande beaucoup plus. C'est dommage qu'on ne l'ait pas appelé le sexe fiable. Moi je trouve que ça sert à ça ramener les choses ailleurs, puisque s’il y a un sexe fiable, forcément dans le message non dit, c'est qu'il y en a un autre qu'il le serait moins”. 


Travailler entre femmes


Pour beaucoup d’hommes (et de femmes), les environnements professionnels essentiellement féminins sont de véritables paniers de crabes. Et pourtant, Valérie a exclusivement travaillé avec d’autres femmes, trouvant cela plus simple. On parle beaucoup de rivalité féminine, mais pour elle, les rôles sont plus clairement définis et chaque collaborateur a sa propre zone de pouvoir. 


Une zone de pouvoir qui ne s’exerce pas en autarcie et dont les responsabilités sont fixées et interrogées par le collectif. 


“Je ne conçois pas les choses autrement. Pour moi, le pouvoir nous oblige et c'est assez vertigineux en termes de responsabilité. Et en face de ça? Si les personnes qui ont un peu de pouvoir ne prennent pas leurs responsabilités, moi je vais être à peu près sans état d'âme là-dessus.”

Les décisions que l’on prend ne nous engage pas que nous. Elles ont aussi un impact sur l’organisation, les personnes qui la composent. Une pression qui touche peut-être plus les femmes, plus exigeantes envers elles-mêmes et qui ont tendance à moins s’octroyer de droit à l’erreur


“Pour avoir croisé des personnes Canada-Québec, j'aime bien l'expression du droit à l'essai plus que du droit à l'erreur. J'aime bien cette idée du droit à l'essai. Est-ce que les femmes y ont moins droit ? C'est un peu l'expérience qui me ferait dire que oui.”


La pertinence des coachings réservés aux femmes


Cette spécificité féminine qui, comme le plafond de verre, est à la fois imposé par l’environnement et auto-infligé par les femmes elles-mêmes, a aussi participé à l’émergence de programmes d’accompagnement en entreprise spécifiquement féminin. 


S’il permettent effectivement d'adresser la situation spécifique des femmes au travail et les injustices dont elles peuvent être victimes, Valérie ne considère pas qu’il soit sain d’en faire des passages obligés. Selon elle, il est avant tout important de vérifier qu’il y ait un véritable besoin et une demande des participantes. Plutôt que d’en faire une brique de son onboarding, par exemple, les femmes doivent en bénéficier pour les bonnes raisons. 



Ne rien changer pour que tout change


Au garçon manqué de qui l’on pointait le mauvais caractère, Valérie conseillerait de ne rien changer. Elle invite aussi les nouvelles générations de directrices de suivre leurs envies et de se faire plaisir. C’est en se félicitant pour ses accomplissements, pour l’impact que l’on a à son niveau, que l’on déclenche un circuit de la récompense vitale pour garder de l’énergie et de la motivation sur la durée. 


Aux directeurs, elle conseille plutôt de questionner leur position. Un questionnement nécessaire pour remettre en cause le statu quo et tendre vers un plus grand équilibre (entre hommes et femmes au travail, entre vie personnelle et professionnelle). C’est à ce prix que l’on pourra tendre vers un “pouvoir pour” et non pas “pouvoir sur”. 







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